Ode à l’araignée par Marion


Canberra / mardi, novembre 6th, 2018

L’araignée, dans son coin, s’exaspère:

« Je ne comprends point mon titre de monstre aux mille yeux.

Certes, je ne puis moi même me comparer aux jolies abeilles

avec leurs élégantes armures rayées d’or,

et leurs épées qu’elles utilisent pour braver les mille et un dangers de la vie.

Pourtant, quand vous m’apercevez dans un coin de la pièce,

immobile sur ma toile, ne faisant de mal à personne.

N’y a t’il pas quand même un peu d’admiration ou d’empathie,

pour moi, l’araignée, qui sans qu’on me le demande

dévore les insectes malfaisants qui par centaine vous envahissent :

des moustiques, des mouches et des cafards

ces petits êtres agaçants que vous détestez tant.

Quelle indignation alors, pour moi qui suis si bonne,

quand on me range dans le même sac que ces bestioles,

suceuse de sang, voleuse d’aliments, envahisseuse d’appartements.

Je devrais être respectée, aimée et acceptée

mais pourquoi est-ce donc toujours moi qui me fait écraser?

Chaque jour je crains l’arrivée de la bête chaussure,

toujours accompagnée des cris des enfants qui m’ont d’eux même dérangée.

Ils crient comme si ils étaient les victimes.

Mais en fin, je n’y peux rien,

mon seul crime est d’être différente.

On me déteste,

on m’extermine.

Mais je ne suis ni peste, ni vermine.

Je me plaint et je m’exaspère, mais je dois avouer

quand je vous vois entrer dans la pièce, où,

délicatement, avec le coup de crayon de l’artiste,

et la précision d’un lanceur de fléchettes,

je tends ma toile de fils de soie.

A pas de loups vous vous avancez vers le coin où je réside,

espérant me surprendre pour mieux m’écraser.

Mais à quoi donc pensez vous que mes multiples paires d’yeux me servent?

Je vous vois dès le début,

mais je ne bouge jamais,

car je ne puis résister au plaisir de vous voir,

quand, alors que vous vous apprêtez à porter le coup final

j’ouvre mes petits yeux tout ronds

et vous fuyez comme des gazelles endiablées

en poussant des cris de singes hurleurs.

C’est pour cela que je vis,

j’ai beau ne pas être très belle

je suis une chasseuse professionnelle.

Et au niveau froussaille personne ne peut me battre.

Je vis pour les rares moments, où,

alors que je suis dehors,

un enfant qui n’a pas encore été changé par la société

s’accroupit et m’observe,

une fascination dans ses yeux,

et qu’il me murmure avant d’être rappelé par sa mère :

« moi aussi j’aimerais avoir huit jambes pour courir vite. » »

Marion brevet blanc 2018